Une escapade à la honte

Admin Nombre de messages : 699 Date d'inscription : 01/04/2006

La robe azur de Guenièvre devenait presque mauve par un tour de passe-passe mystérieux du dieu Soleil : celui de pouvoir mêler les rayons de l’astre endormi à toutes choses, et toutes couleurs, sur la terre, changeant les paysages, les formes et parfois les comportements.

La reine s’était en effet vite échappée non pas seulement de la salle du banquet, mais du château, et s’était retrouvée dans la Cour toute surprise de voir que le soir était tombé sur Camelot.
Sa respiration haletante due à sa marche rapide et à son humiliation toute récente lui soulevait la poitrine par court intervalles, mais son visage nullement en reflétait le moindre trouble.

Elle resta sur le perron du château, droite malgré le vent qui faisait virevolter sa robe et sa crinière, fixant un point sur l’horizon. Elle était seule, ou presque, deux gardes restaient immobiles dans son dos, tels deux statues de pierre. Ils ne comptaient pas.

De petits pas que Guenièvre eut d’abord prit pour ceux de la gente trotte-menu résonnèrent derrière elle, et Guenièvre se retourna pour apercevoir, courrant dans le couloir, Laureline qui cherchait à la rejoindre.
La Reine esquissa un sourire et l’accueillit en ces termes :

« Laureline, je vais faire une promenade. Si tu désires te reposer, je te laisse découvrir ta chambre. Sinon, tu peux me suivre. »

Et elle lui prit furtivement la main avant de la laisser glisser en faisant volte-face. S’approchant de l’écurie, elle y trouva un cheval frais, sellé et bridé par le palefrenier, qui faisait toujours en sorte d’avoir un animal prêt pour un éventuel cavalier.

Guenièvre sauta en selle et talonna sa monture.
Dans sa précipitation à trouver du calme, de l’air frais, de la solitude, de l’apaisement, elle avait oublié le ménestrel, le laissant aux fauves que pouvaient être parfois les chevaliers.
Et puis peu lui importait, elle n’était point émue de son sort. La reine était Bretonne.

Laureline était arrivée en vue d'une belle armure lorsqu'elle perdit la trace de la reine. Tournant la tête de gauche à droite, elle cherchait Guenièvre dans les couloirs désespérement vides. Le moindre serviteur et la moindre servante ayant été engagés à travailler aux cuisines et au service, ce soir-là, le château était désert. Tout ça pour le banquet, qui, par la faute d'un menestrel, était foutu. Irréparablement cassé. Ce n'était pas que la jeune femme y voyait quelque inconvénient - le banquet finissait par l'ennuyer un peu - mais maintenant qu'elle se retrouvait isolée dans ce chateau encore inconnu sur les traces d'une personne qu'elle venait de perdre de vue, la chose était moins agréable!

Devant elle, une porte, un couloir et ensuite, une nouvelle porte, qui cette fois donnait sur le grand hall d'entrée. Et par l'ouverture, l'élégante silhouette de Guenièvre. Laureline en soupira de soulagement. Après tout, le chateau avec ses murs gris et ses pièces vides laissait une impression de pesant silence, de calme cathédralesque et de secret, ce qui ne faisait en soi pas un endroit rassurant pour une petite promenade en solo.

Apercevant sa reine, Laureline s'y dirigea et, lui rendant son sourire, écouta ses paroles. La jeune femme eut l'impression qu'après cette humiliation en public, Guenièvre avait besoin de se retrouver seule. Elle ne se sentait n'y rejetée, ni indésirable, mais elle percevait que cela ferait du bien à la reine, justement, de s'isoler un peu.

-Merci ma reine, je pense rester au château. Si vous voulez me voir, je serai dans ma chambre. Bonne promenade et revenez nous vite...

Les trois derniers mots n'étaient plus qu'un murmure. Laureline regarda la cavalière s'éloigner en lui faisant un signe de la main. Le profil royal de la reine se découpait nettement dans la lumière du soleil couchant tandis le bruit des sabots de son cheval s'estompait doucement.

Se dirigeant à son tour vers les écuries, Laureline chercha des yeux le box de sa jument. Ce fut Amarante qui la trouva en premier; elle tapa le sol de ses sabots et hennit de joie à l'approche de son amie.
-Mais oui, ma belle, pas ce soir mais bientôt, je te le promets... Je vois que tu es bien soignée ici, tant mieux! Je reviens demain, bonne nuit...

Après avoir tendu un morceau de sucre à la jument, elle prit le chemin du château, décidée à trouver sa chambre et à y attendre la reine tout le temps qu'il faudra.